Jour 90 de la guerre en Ukraine : le point sur la situation

Kiev, le 13 février 2022 par Mona Lhérondel

 

Au matin du 24 février 2022, les premiers missiles tombent en Ukraine, majoritairement dans les régions de Kharkiv, du Donbass, et de la capitale Kiev, visant également l’ensemble des infrastructures militaires et aéroportuaires du pays.

Le 17 mai, après 2 mois de siège et de combats, les derniers soldats ukrainiens de Marioupol, retranchés dans l’usine Azovstal sans nourriture, sans médicaments ni munitions, se rendent aux forces russes sur ordre de leur état-major. 

 

Les blessés les plus lourds sont hospitalisés dans un hôpital de l’auto-proclamée République Populaire de Donetsk (DNR), les autres détenus, sous le statut de prisonniers de guerre, sont internés en zone temporairement occupée (est de l’Ukraine). Ces soldats, glorifiés en héros par Kiev, sont au cœur d’une guerre de communication entre les deux belligérants et font l’objet de tractations en vue d’un échange contre un oligarque proche de Poutine détenu par l’Ukraine.

 

Une invasion soudaine et réfléchie

L’opération menée par le Kremlin jusqu’à la fin du mois de mars s’est constituée en 4 axes majeurs : 

  • Une offensive sur Kiev (1)  lancée depuis la Biélorussie, pays qui sert de soutien aux troupes de la Fédération de Russie ainsi que de base de lancement de nombreux missiles balistiques vers l’Ukraine, ayant entraîné la prise de la centrale de Tchernobyl dès le 25 février et la crainte d’un nouvel accident nucléaire ; 
  • Un assaut sur la ligne de front du Donbass (2), stabilisée mais en perpétuel état de guerre depuis 2014 ; 
  • Un axe visant le Nord-est du pays (3), et principalement les villes de Chernihiv, Soumy et Kharkiv, 2ème plus importante du pays avec plus d’1,5 million d’habitants ; 
  • Une percée au Sud (4) par la Crimée annexée en mars 2014, avec un objectif double : s’emparer des villes de Kherson et d’Odessa vers l’Ouest, et faire la jonction au niveau de Marioupol avec les territoires occupés du Donbass vers l’Est.

 

Situation en Ukraine le 24 février 2022 – carte retravaillée d’après la source : https://www.lemonde.fr/international/article/2022/05/20/la-carte-de-la-guerre-en-ukraine-jour-apres-jour_6118209_3211.html

 

La guerre éclair, censée faire tomber les principaux centres du pays en 3 jours, s’est cependant confrontée à une forte résistance de l’armée et des populations civiles ukrainiennes. 

 

De grandes offensives repoussées et des gains russes modérés

Zoom sur la partie est du pays

Bloquées puis repoussées des environs de Kiev puis du nord du pays à la fin du mois de mars, les forces russes se concentrent depuis sur la partie est du pays. 

L’objectif affiché est d’occuper la totalité des territoires entre Kharkiv et Marioupol et ainsi consolider leur présence dans le sud jusqu’à Kherson et conserver un accès terrestre direct à la Crimée. 

Les combats et les bombardements s’intensifient dans les régions de Louhansk et Donetsk. 

L’avancée prévue jusqu’à Odessa et la Transnistrie voisine se révèle jusqu’à présent comme un échec pour l’armée de la fédération de Russie. Ses victoires sur le terrain se limitent pour l’instant à des gains de zones rurales ou faiblement peuplées. 

Les grands centres urbains ont majoritairement résisté (Kiev, Kharkiv, Melitopol, Soumy…) et les rares villes d’importance prises (à l’exception de Kherson), l’ont été suite à de longues semaines de bombardements intensifs. 

Les infrastructures et quartiers résidentiels de Marioupol ont été détruits à plus de 90 % au cours des deux mois de siège. Le maire de la ville, Vadym Boytchenko, a fait état de plus de 20 000 décès parmi la population civile au cours de ces deux mois

Source : L’Express

L’armée ukrainienne a entamé depuis le début du mois de mai une phase de reconquête territoriale aux abords de Kharkiv, parvenant à repousser l’armée russe hors de portée d’artillerie de la ville. Les forces ukrainiennes tentent désormais de s’approprier les axes de communications  en direction d’Izium, à l’est de Kharkiv, pour couper les approvisionnements russes.

Malgré cela, et en dépit de l’approvisionnement croissant de matériel militaire en provenance des pays membres de l’OTAN, la situation reste difficile pour les troupes ukrainiennes dans l’est du pays, tant l’armée russe leur est supérieure en hommes et en équipements. Celle-ci tente à présent d’encercler les forces ukrainiennes aux abords de Kramatorsk et Severodonetsk.

 

Une situation humanitaire catastrophique et des flux migratoires de grande importance

Depuis le 24 février, 6,3 millions d’Ukrainiens ont quitté le pays, notamment vers la Pologne, qui a accueilli plus de la moitié des flux, soit 3,4 millions de personnes.

Situation humanitaire, réfugiés et déplacés internes, au 18 mai 2022 –  https://reliefweb.int/report/ukraine/ukraine-situation-report-19-may-2022

 

La Slovaquie, la Roumanie, la Hongrie, la Moldavie, la Biélorussie mais aussi la Russie sont soumis à de fortes tensions migratoires à leurs frontières : 876 000 Ukrainiens se sont déplacés en Russie, ou on été déplacés de force depuis les territoires occupés, comme dénoncé par de nombreuses ONG de défenses des droits de l’Homme.

Les flux internes sont d’égale importance, avec 8 millions de personnes déplacées, principalement vers les régions de l’ouest du pays, épargnées par les combats mais subissant malgré tout des tirs réguliers de missiles balistiques.

 

Selon l’ONU, 15,7 millions de  personnes ont besoin d’aide humanitaire en Ukraine. A ce jour, 6,4 millions de personnes ont été atteintes par des ONG, soit seulement 44%. 

 

A la mi-avril, suite au retrait russe du nord de l’Ukraine, de nombreux déplacés internes ont fait le choix de retourner dans leur ville d’origine, où la vie reprend peu à peu. Pour beaucoup d’autres, l’arrêt des combats, les ravages des bombardements à haute intensité et le minage systématique des zones résidentielles rendent le retour impossible à court et moyen termes.

Dans certaines zones libérées à la fin du mois de mars, la découverte d’atrocités aux abords de la capitale (Bucha, Irpin et Borodianka) ont mis en lumière des violences infligées aux populations civiles par les forces d’occupation. A ce jour, les autorités ukrainiennes ont recensé plus de 1300 civils tués dans la région de Kiev, sans compter les victimes d’exactions et de violences sexuelles. Un premier procès pour crime de guerre a eu lieu à Kiev à l’encontre d’un soldat russe accusé d’avoir tué un civil de 62 ans lors de la retraite de son unité. Le 19 mai dernier, il a été condamné à la prison à perpétuité.

Selon l’État-major ukrainien, la Russie aurait déjà lancé plus de 2000 missiles balistiques sur l’Ukraine en seulement trois mois, touchant de manière égale infrastructures militaires et civiles.

Le terme de génocide ne fait toutefois pas consensus auprès de la communauté internationale. Si le président ukrainien Volodymyr Zelenskyi l’a dénoncé très tôt durant ce conflit, rares sont les chefs d’État reprenant cette sémantique, à l’instar de l’Union européenne et de ses principaux membres.

Si les statistiques de l’ONU font état de 3 778 civils morts, les estimations ukrainiennes montent à 24 600 civils morts à la mi-mai. Ce chiffre ne prend cependant pas en compte les zones occupées du pays, dans l’est et le sud, à l’exception des estimations pour Marioupol où des images satellites de charniers font craindre un nombre de décès très important.

Les autorités de Kiev recensent également 226 enfants décédés et 420 enfants blessés au 13 mai 2022. 

Une habitation civile détruite par des bombardements dans le Bonbass, région en guerre contre des séparatistes pro-russes et la Russie depuis 2014. Photo prise en 2016 par Mathieu Radoubé

 

Les écoles prisent pour cible mais une scolarité maintenue à distance

Les infrastructures médicales, culturelles et éducatives sont régulièrement visées par les missiles balistiques russes et les bombardements d’artillerie russes. Le gouvernement ukrainien a recensé 1 837 infrastructures éducatives touchées, dont 172 totalement détruites. 

Le 8 mai dernier, un bombardement sur une école du village de Bilogorivka, dans la région de Lougansk, a fait 60 morts selon Kiev, et une enquête de l’Associated Press a estimé à 600 le nombre de victimes civiles dans le théâtre de Marioupol, détruit par un missile de croisière le 16 mars dernier.
Il s’agit à ce jour du bombardement le plus meurtrier depuis l’invasion russe du 24 février.

Pour cette raison, le ministère de l’éducation ukrainien a décidé d’interdire tout rassemblement scolaire en présentiel au sein de ses institutions. L’enseignement est désormais dispensé via une plateforme numérique, “All-Education online”.

Les établissements scolaires, désormais vidés de leurs écoliers, sont majoritairement utilisés comme refuges pour les populations de déplacés internes.

Si l’accès à internet n’est pas un problème de grande ampleur en Ukraine, beaucoup d’enseignants et d’étudiants n’ont toutefois pas le matériel adéquat, notamment en raison des départs précipités des populations fuyant les combats et ne pouvant emporter avec eux que le strict minimum. 

L’acquisition et la distribution de matériel informatique ainsi que le développement de programmes scolaires numérisés sont aujourd’hui parmi les priorités des autorités ukrainiennes.

 

Article rédigé par Mona Lhérondel, volontaire en service civique auprès d’International Impact

 

Sources 

https://www.lefigaro.fr/international/moscou-evoque-un-echange-de-prisonniers-ukrainiens-contre-un-proche-de-poutine-20220521

https://www.humanite.fr/monde/guerre-en-ukraine/ukraine-le-premier-proces-d-une-serie-de-crimes-de-guerre-750849

https://www.lemonde.fr/international/live/2022/05/19/guerre-en-ukraine-en-direct-la-russie-a-tire-2-000-missiles-depuis-le-debut-du-conflit-affirme-volodymyr-zelensky_6126582_3210.html

https://fr.euronews.com/2022/05/17/ukraine-plus-d-un-millier-d-ecoles-et-de-colleges-pris-pour-cible-selon-kyiv