Matthias, bénéficiaire du programme Urgence Ukraine : « C’est quand j’ai reçu les photos de la maison détruite que j’ai commencé à réaliser »

Matthias était enseignant en mathématiques au collège et au lycée d’Anne de Kiev. Il est arrivé en Ukraine en 2018, c’est là-bas qu’il a rencontré sa femme. Il est aujourd’hui père de deux enfants, l’un de 2 ans et l’autre de 7 mois. 

Ils vivaient tous les quatre près de l’aérodrome de Gostomel, à la périphérie de Kiev, où les combats ont été très intenses dès les premiers jours du conflit. 

 

Il est désormais en France avec sa famille ainsi que sa belle-mère. Ils sont logés gratuitement en Ardèche, grâce aux parents de Matthias qui possèdent un logement récemment libéré, mais non meublé. 

 

Matthias dit avoir eu beaucoup de chance quant à leur départ d’Ukraine, le 21 février 2022. 

La naissance de leur deuxième enfant était prévue fin janvier, mais ce dernier est arrivé un mois en avance, fin décembre. A ce moment-là, déjà, il sentait la situation se tendre au sein de la communauté internationale. Les écoles américaines et anglaises ont fermé les unes après les autres, et les avertissements des Etats-Unis lui ont mis la puce à l’oreille. 

Une demande de passeport pour leur bébé a été faite, mais cette démarche s’est avérée plus longue que prévu. Ils ne pouvaient pas quitter le territoire ukrainien sans un passeport international ou une sorte de « laisser-passer » de l’ambassade française. 

Le 19 février, contre toute attente, le passeport pour leur nouveau-né était prêt. Ils ont pris dans la foulée des billets d’avion pour Chypre. Les vacances de février avaient été avancées de quelques jours afin de permettre au personnel français de l’école de quitter le pays.

La décision était d’abord de fermer l’école pour environ trois semaines, « au cas où ». 

Matthias a pris des allers simples pour Chypre, se doutant que le retour pourrait être retardé. 

Ils sont partis avec la poussette, deux valises avec des affaires pour les enfants, et ce qu’ils avaient sur le dos. 

 

Le premier mois de la guerre a été difficile pour lui et sa famille. 

Il faisait beaucoup de mauvais rêves au début. Même si les Etats-Unis avaient prévenu, il était convaincu que rien ne se passerait. Il confie avoir été « complètement sonné » les premiers jours. 

 

« C’est quand j’ai reçu les photos de la maison détruite que j’ai commencé à réaliser. Et aussi à la fin des vacances, quand nous ne sommes pas rentrés à la maison. On réalise très doucement. »

 

Leur maison, située tout près de l’aérodrome de Gostomel, l’une des premières cibles d’artillerie russe et terrain de combat, a été bombardée dans les premiers jours du conflit. Le village a vite été pris par les Russes. 

 

Matthias a alors compris qu’il ne rentrerait pas en Ukraine et a pris des billets d’avion pour la France. 

 

La maison était divisée en deux. Leur propriétaire vivait au rez-de-chaussée, et eux vivaient à l’étage. La maison a complètement été détruite, seul l’escalier en métal est encore debout. 

 

Matthias raconte l’histoire de son propriétaire : “ Il est sorti rejoindre sa voiture, à peine avait-il franchi 100 mètres qu’une pluie de balles lui est tombée dessus. Il s’est caché derrière son véhicule et en est sorti indemne. 

Deux jours après les bombardements, alors que les Russes étaient dans le village et que des civils avaient perdu la vie, il s’est caché dans le puits qui se trouvait à l’arrière de la maison. »

Début mars, les Ukrainiens, ne pouvant maintenir la défense de l’aérodrome, ont décidé de le détruire, soufflant tout ce qui se trouvait autour.

 

La maison de Matthias, détruite par les bombardements russes

 

La fin d’année scolaire s’est terminée en ligne. Matthias, étant en contrat local, dépend de la législation ukrainienne et non française. Et qui dit contrat local dit paie en hryvnia (UAH). Matthias a continué de recevoir son salaire mais sur son compte bancaire ukrainien, relié à une carte bancaire qui ne fonctionne pas à l’étranger. En attendant de recevoir une carte fonctionnant à l’international, Matthias a reçu 1500€ récoltés via la collecte Urgence Ukraine d’International Impact. Cet argent lui a permis d’équiper son logement en Ardèche. 

 

 

Matthias rapporte que « le moral, ça va. Ça va mieux. [Il] arrive à [s]e projeter un petit peu maintenant. [Ils ont] eu de la chance que cela se soit passé pendant les vacances et [qu’ils soient] tous partis, [il] n’imagine pas comment tout ça se serait passé [s’ils avaient] été en période scolaire » 

 

La guerre continuant, il a décidé de passer le CAPES. Il l’a obtenu et a donc pu commencer à travailler en France depuis septembre. 

Depuis ce témoignage, Matthias a déménagé à Romans-sur-Isère où il a obtenu un poste dans un collège. Il est optimiste et reconstruit sa vie en France, avec sa famille, petit à petit. 

 

 

 

Témoignage recueilli par Mona Lherondel, ancienne volontaire en service civique au Lycée français Anne-de-Kiev.

 

 

Quelques jours après l’offensive de la Russie sur l’Ukraine le 24 février 2022, International Impact a lancé une campagne de levée de fonds pour venir en soutien à son partenaire en Ukraine, le lycée français Anne de Kiev. Les fonds obtenus ont pour objectif de subvenir aux besoins les plus urgents du personnel resté sur place ou contraints de fuir, de leurs familles ainsi que des élèves et de leurs proches.