Mona était volontaire à Kiev, elle a dû être rapatriée avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie

Mona est l’une des quatre volontaires envoyés à Kiev en septembre 2022. Après presque 6 mois sur place, auprès des enfants et du personnel de l’établissement, comme de nombreux ressortissants français elle a dû être rapatriée en France. Sur demande de la diplomatie française, elle est donc rentrée mi-février, laissant derrière elle des projets inachevés et de nombreuses personnes devenues chères. Malgré la distance, elle souhaite plus que jamais continuer à soutenir l’école et les personnes qui lui sont liées.

 

« Je suis partie pour Kiev le 26 août 2021. J’avais été engagée en tant que Service Civique de l’ONG International Impact à l’école Française Anne de Kiev.

N’ayant jamais travaillé avec les enfants, je suis partie avec quelques appréhensions, mais ce fût en fait une révélation.

J’ai beaucoup appris sur moi, j’ai gagné énormément en confiance, et j’ai passé d’incroyables moments auprès des enfants.

J’ai vu les CP apprendre à lire et à écrire en français, et cela était d’autant plus impressionnant que beaucoup d’entre eux étaient ukrainiens et ne parlaient pas le français.

J’ai proposé des activités, du cirque et un atelier photographie. Nous avions mis en place des rituels, nous commencions à réfléchir à la création d’un spectacle de fin d’année et un petit livre avec les photographies. J’ai découvert la créativité de certains enfants, et j’ai vu la joie dans leurs yeux lorsqu’ils se voyaient progresser.

Mes collègues me donnaient des conseils et m’encourageaient. Mon directeur était très présent et à l’écoute. Je vivais en colocation avec les deux autres services civiques de l’école primaire, qui sont vite devenus des amis proches et étaient d’un grand soutien pour moi.

Tout se déroulait normalement jusqu’au 12 février, où j’ai reçu un appel de mon directeur, nous demandant de prendre un billet d’avion et de retourner en France. C’était juste « au cas où », juste pour trois semaines, le temps que la situation se tasse. Personne ne pensait qu’une guerre pourrait arriver.

 

 

Le 14 février, je suis allée à l’école. J’ai dit au revoir à mes collègues. « Passe de bonnes vacances ! On se revoit dans trois semaines ! » ; « Ne t’inquiètes pas, il ne se passera rien, ça fait 8 ans que c’est comme ça ».

 

Ça m’a fait tout drôle de dire au revoir à Kostia, un surveillant ukrainien. Il m’a souhaité de faire un bon voyage, et je lui ai souhaité de rester en sécurité.

Pendant la pause déjeuner, M. Et G., toutes les deux ont 9 ans, sont venues m’enlacer : « On a appris que tu partais demain, tu vas trop nous manquer ! ».

E., 7 ans, à qui je donnais des cours du soir, est aussi venue avec des copines à elle, elles sont restées 10 minutes autour de moi, à me serrer très fort, sans rien dire. Je n’avais pas de mots non plus.

« Vous allez beaucoup me manquer aussi. Ne vous inquiétez pas, je reviens après les vacances, on va se revoir. »

 

J’ai réussi à prendre un avion pour Paris le 15 février, après l’annulation de mon premier billet. Les compagnies low-cost commençaient déjà à stopper leur trafic en Ukraine.

 

Le 24 février, je me suis réveillée avec des dizaines de messages sur mon téléphone : « Est-ce que tu es encore en Ukraine ? Est-ce que tu vas bien ? Tu as vu ce qui se passe en Ukraine ? »

 

« Je suis en sécurité. » Mais je ne me sentais pas bien.

 

Comme beaucoup, je voulais agir, je voulais pouvoir faire quelque chose, je voulais les aider. Je pensais à M., G. et E.

Je pensais à toutes ces familles qui ont été séparées, car les papas doivent rester en Ukraine. Je pensais à tous mes collègues qui ont dû quitter précipitamment le pays, laissant tout derrière eux. Et je m’imaginais à la place d’un enfant de 8 ans qui entend les bombes tomber près de chez lui la nuit.

J’ai fait beaucoup de cauchemars.

Je voulais agir, mais je ne savais comment. Que faire ? Je suis loin, je ne sais pas vers qui me tourner, où proposer mon aide…

Le même jour, j’ai reçu un mail me disant que je ne pourrai pas retourner en Ukraine, que je ne pourrai pas retourner à l’école.

Je crois que c’est la première fois que je romps une promesse.

L’ONG International Impact m’a proposée de transférer ma mission à Anne de Kiev et de m’engager directement avec eux.

Nous avons décidé de mettre en place cette collecte de fonds pour aider l’école. Pour aider les familles, pour aider le personnel, et aider les enfants à continuer leur scolarité, et leur permettre de suivre une aide psychologique.

Il est possible d’agir depuis la France, à son échelle, selon ses moyens. Aucune action n’est inutile, et la solidarité qui se construit autour de l’Ukraine est essentielle pour nous tous, pour maintenir l’espoir. L’espoir des ukrainiens pour tenir, se battre et s’en sortir. »

 

Quelques jours après l’offensive de la Russie sur l’Ukraine le 24 février 2022, International Impact a lancé une campagne de levée de fonds pour venir en soutien à son partenaire en Ukraine, le lycée français Anne de Kiev. Les fonds obtenus ont pour objectif de subvenir aux besoins les plus urgents du personnel resté sur place, de leurs familles ainsi que des enfants et de leurs proches.