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Je suis arrivé à Kiev le lundi 30 août 2021 après avoir été engagé en tant que Service Civique à l’école Française Anne de Kiev. Mon rôle à l’école était le même que les deux autres Services Civiques présentes : offrir une assistance pédagogique au sein de l’établissement (aider les enseignants dans leurs diverses tâches, proposer des clubs après l’école, aider à la surveillance des élèves, etc).
Tout de suite, j’ai été très bien accueilli et accompagné que ce soit par International Impact, par le directeur du primaire M. Moureaux ou encore par tous les collègues. Nous avons décidé avec les deux autres Services Civiques au primaire de nous mettre en colocation et tout de suite nous avons accroché, nous nous sommes soutenus, aussi bien moralement que physiquement. Nous nous sommes beaucoup projetés sur les six mois qu’ils nous restaient à vivre à Kiev, nous discutions des projets que l’on aimerait mettre en place avec les enfants et les enseignants. L’idée que les tensions déjà présentes en Ukraine depuis longtemps puissent dégénérer ne nous venait pas à l’esprit.
Les enfants, toujours avec leur innocence, leurs sourires rayonnants, leur envie d’apprendre, de découvrir, d’évoluer, continuaient de m’impressionner, de m’émerveiller. On parlait des histoires d’amour d’untel, des exploits en football de M. durant le week-end ou encore de quelle nouvelle spécialité suisse E. pourrait me faire découvrir. Parce que oui, à chaque récrée, j’avais le droit à une nouvelle découverte culinaire d’un ou plusieurs enfants. Le privilège d’être le « surveillant préféré » d’une partie des enfants. Pour un gourmand, il n’y a pas mieux.
Le week-end du 12 février arrive, je prépare les nouvelles activités prévues pour la semaine d’après, réalise le dernier cours particulier de la semaine avant de me préparer pour le long week-end festif en prévision. Rien d’inhabituel jusque-là.
Mais ce week-end ne se déroulera pas comme prévu.
Première déconvenue, je tombe malade. Mais le moins agréable fut l’appel passé par notre directeur à ma colocataire pour nous prévenir qu’il fallait prendre un billet d’avion pour rentrer pour trois semaines au minimum. On avait entendu que les tensions montaient, que l’armée russe bougeait ses troupes le long des frontières ukrainiennes, qu’une invasion pouvait arriver à tout moment. Mais pour mes collègues et moi, cela restait lointain, huit ans déjà que l’Ukraine vivait sous des tensions permanentes, huit ans que les Ukrainien.ne.s vivaient fier.es de leur indépendance. Mais cet appel du 12 février au soir nous à tous les trois fait réagir : quelque chose clochait vraiment.
Étant malade, mes colocataires, collègues, amies, m’ont aidé dans la préparation de mes affaires. On rentre pour trois semaines, pas de soucis, on va revenir. D’accord, je laisse mes affaires à l’école dans ce cas. Maladie oblige, pas d’au-revoir possible, sauf via les réseaux.
Le 15 février c’est le départ, je rejoins des collègues à l’aéroport, on prend le même vol.
Le retour en France est amer, aucune envie d’être là, un retour forcé. Dire à ses amis, sa famille, « dans trois semaines j’y retourne, même avant si je peux ». Dire à ses ami.e.s ukrainien.ne.s « on se voit bientôt ».
Puis le 24 février arrive.
J’étais au téléphone avec une amie, il était 4h en France, 5h en Ukraine, on se dit bonne nuit. Puis elle me rappelle, en pleurs, qu’est ce qui se passe ? Les infos venaient d’annoncer les premiers bombardements. La guerre.
Je n’y crois pas, elle non plus.
Mais c’était vrai. Pendant trois jours et trois nuits, je l’ai soutenue par téléphone dans sa difficile décision : son départ d’Ukraine. Aujourd’hui, elle est en sécurité depuis deux semaines. Elle se sent coupable, privilégiée et chanceuse d’avoir pu partir et d’être, elle, aujourd’hui en sécurité. Elle pleure à l’idée de perdre des proches, de perdre son « père » resté en Ukraine par obligations, de perdre ses ami.e.s resté.e.s avec leurs familles.
Je pense encore aux ami.e.s, aux connaissances, aux collègues, aux enfants et leurs familles qui ont dû rester en Ukraine. Je réfléchis à comment aider, comment les aider eux. Je suis aujourd’hui en mesure d’aider un peu plus en vous partageant mon expérience, en soutenant les personnes à qui je tiens en Ukraine, mais également en aidant bénévolement International Impact dans leurs projets pour soutenir l’école Anne de Kiev, ses élèves, son personnel et ses familles touchées par cette guerre.
Chacun peut agir à son niveau, il n’y a pas de petites actions, il n’y a que des actions qui permettront d’aider l’Ukraine, son peuple, ses enfants, à croire, à sourire, à s’en sortir. Aujourd’hui plus qu’hier soyons solidaires.
Quelques jours après l’offensive de la Russie sur l’Ukraine le 24 février 2022, International Impact a lancé une campagne de levée de fonds pour venir en soutien à son partenaire en Ukraine, le lycée français Anne de Kiev. Les fonds obtenus ont pour objectif de subvenir aux besoins les plus urgents du personnel resté sur place, de leurs familles ainsi que des enfants et de leurs proches.